Courrier Neuchâtelois

Mercedes Corradi sculpte les rondeurs avec bonheur !

La Chaux-de-Fonds Opératrice chez Johnson & Johnson, Mercedes Corradi sculpte à ses heures des personnages très ronds, et dans des postures de la vie quotidienne.

En travaillant mes sculptures, j’ai commencé petit à petit à les élargir. Et je trouvais qu’elles devenaient beaucoup plus rigolotes, plus mignonnes; avec un humour assez particulier. Je me suis alors dit que ça ne pouvait apporter que du bonheur….

Opératrice chez Johnson & Johnson au Locle, Mercedes Corradi est une artiste accomplie, qui a affirmé son style au fil du temps. Les figurines fines de ses débuts ne l’inspirent plus, et elle sculpte désormais des personnages ronds, voire très ronds, et de plus dans des postures du quotidien. Dans l’atelier de sa demeure chaux-de-fonnière, on découvre des dames, essentielllement, vêtues de tenues extravagantes ou en maillot de bain. Baigneuses aux panses proéminentes, danseuses de flamenco callypiges, triomphantes…. Et cerise surette sur le gâteau: une série d’entre elles fait actuellement l’objet d’une expo à la Clinique de la Tour à la Chaux-de-Fonds, où oeuvrent ponctuellement des chirurgiens plastique. Une initiative sans la moindre arrière-pensée mais qui fait mouche: « Même dans l’ascenseur, des gens m’ont dit qu’ils les trouvaient magnifiques, parce que chacune d’entre elles semblaient vouloir dire quelque chose. »

Vision valorisante

En sculptant des formes humaines hors normes, Mercedes Corradi a surtout envie de faire passer un message positif. Loin des sarcasmes, sa vision artistique se veut avant tout valorisante. « Le but est de faire rigoler, mais sans faire du mal à une personne forte ou obèse. Au contraire ! Je trouve que c’est bien une femme rigolote ». Tout en s’expliquant, l’artiste pointe une de ses oeuvres assez cocasse, expressive à souhait. Une madame-tout-le-monde, à la mine exaspérée, dont le socle tient lieu de pèse-personne. « Elle à l’air de se dire « Mon Dieu, j’ai pris du poids! » En faisant une sculpture toute fine,on ne pourrait pas imaginer un truc comme ça ».

De Buenos Aires à Peseux

Lorsqu’on admire les dames bien en chair de Mercedes Corradi, on pense à celles qui ont fait la renommée de l’artiste colombien Fernando Botero. Toutefois, malgré l’admiration qu’elle porte à ce grand monsieur, le fruit de son travail se différencie nettement du sien. « Ce qu’il fait est super, mais ses personnages sont tous les mêmes. Les habits changent, mais ce sont toujours les mêmes nanas, avec les mêmes visages et les mêmes coiffures ». Cela dit, à l’instar du plasticien colombien, la Chaux-de-Fonnière d’adoption est d’origine sud-américaine. Née en 1954 à Bahia Blanca dans la Province de Buenos Aires, Mercedes Corradi est en faite argentine de souche italienne. Elle créé depuis l’age de douze ans, et a fréquenté les Beaux-Arts de sa ville natale.

A l’âge de 32 ans, libre de tout engagement, elle s’est envolée pour l’Italie. Son leitmotiv: s’implanter dans le village de Mutignano, dans les Abruzzes, terre d’origine de ses parents.

Peu de temps après, à l’occasion d’un séjour à Peseux, elle a craqué, contre toute attente, pour un Neuchâtelois et s’es installée dans le canton.

Vie de galeriste

Tout en développant son art, Mercedes a exposé dans diverses galeries et espaces artistiques de Suisse, et même gagné quelques concours.

Suite à son divorce, en 1995, elle s’est carrément lancée dans le mécénat. Pendant dix ans, elle a tenu la Galerie DuPeyrou à Neuchâtel, en parallèle à son job chez Philipp Morris. Une période aussi enrichissante que laborieuse. « Il y avait de bonnes ventes avec certains artistes, mais… rien avec d’autres. Et il y avait aussi une location à payer ».

Non à l’abstrait mais oui à Courbet

Installée depuis 2006 sur les hauteurs de La Chaux-de-Fonds, Mercedes crée aujourd’hui chez elle, cernée d’un cadre paisible et idyllique. Une source inépuisable d’inspiration. Car même en travaillant à plein temps, elle consacre plusieurs heures par jour à la création. « Quand je rentre, le soir, j’ai des idées plein la tête et je descends à l’atelier ».

Dans sa manière très personnelle de sculpter des femmes pulpeuses, Mercedes s’est parfois bien lâchée. « La croqueuse de millions », une de ses créations jambes écartées, n’est pas sans rappeler « L’origine du monde », illustre peinture du Français Gustave Courbet. La sculpture a en tous cas intrigué de nombreux messieurs. « Quand ils me demandent pourquoi je l’ai appelée comme ça, je leur réponds simplement qu’il leur faut…. réfléchir un peu… ».

Bien qu’aimant sortir des sentiers battus, Mercedes Corradi n’apprécie pas vraiment l’art abstrait. Friande d’expositions, elles s’avoue souvent déçue face à certaines oeuvres qu’elle y observe. Trop dépouillées ou trop sombres. « Je peux comprendre qu’on fasse des personnages noirs, qui crient…. Mais en tant que personne gaie, j’aime la vie, les gens, la nature ». Bourrée de pep et de joie de vivre, la Chaux-de-Fonnière aime les couleurs vives, les floraisons. Une tendance qu’elle exprime alors dans sa peinture, sa seconde passion.

Dans ce créneau, elle prône la démarche figurative, vouant une grande admiration au peintre franco-polonais Balthus.

Doubler de volume?

A la Clinique de la Tour, l’artiste présente également une trentaine de toiles. De nombreuses aquarelles, tout comme quelques peintures à l’huile.

Dans une vision d’avenir, elle compte simplement poursuivre sur sa lancée, en déclinant sa démarche artistique de mille et unes manières. Et à la barbe des immanquables détracteurs, elle se déclare même bien résolue à volumiser ses futures bobonnes. « Plus elles sont grosses, et plus je les trouve belles ! ».

– Par Salomé Di Nuccio

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